Samedi après-midi, une discussion autour de Romain Gary sera animée, à partir de 14 heures, au Jardin des Oliviers (665 chemin de sainte Trinide), à Sanary, par Jacques Gobert, consul honoraire de Lituanie pour la Région Sud. L’occasion de découvrir les liens forts qui unissent Provence et Lituanie à travers un destin hors norme. Rencontre.
Propos recueillis par Julien Talani
S’il est né à Vilnius en 1914, au temps de l’empire russe, Roman Kacew a suivi sa mère en France, adolescent. Il étudie à Nice, Aix-en-Provence puis Paris et aura de multiples activités : d’aviateur à résistant, de romancier à diplomate, de scénariste à réalisateur. Naturalisé français le 5 juillet 1935, Roman Kacew est incorporé le 4 novembre 1938 dans l’Armée de l’air à la base aérienne de Salon-de-Provence. Lorsque la seconde guerre mondiale éclate en septembre 1939, il est mobilisé en tant qu’instructeur de tir à Bordeaux.
France libre
Fervent admirateur du général de Gaulle, il rejoint les forces françaises libres après l’appel du 18 juin. Il se rend à Glasgow, via le Maroc, où il s’engage dans les Forces aériennes françaises libres (FAFL). En février 1943, il est rattaché au groupe de bombardement Lorraine. Il effectue plus de vingt-cinq missions de guerre, totalisant plus de soixante-cinq heures de vol. Son nom francisé “Romain Gary” est officialisé. Il est fait Compagnon de la Libération et nommé capitaine en mars 1945, à la fin de la guerre. Après la fin des hostilités, Romain Gary entame une carrière de diplomate au service de la France, en considération des services rendus pour sa libération.
Carrière littéraire
En 1937, son premier roman, Le Vin des morts, est refusé par plusieurs éditeurs (il sera publié pour la première fois en 2014). En 1945, Éducation européenne est publié aux éditions Calmann-Lévy et lance sa carrière. Il publie plusieurs romans et décroche le prix Goncourt avec Les Racines du ciel, en 1956. À partir de La Promesse de l’aube, en 1960, il commence à écrire sous divers pseudonymes, dont l’ultime et le plus connu, Émile Ajar, lui rapporte un second prix Goncourt en 1975, avec La Vie devant soi.
L’œuvre littéraire de Romain Gary se distingue par un refus opiniâtre de céder devant la médiocrité humaine. Ses personnages sont fréquemment en dehors du système car révoltés contre tout ce qui pousse l’homme à des comportements indignes. Le 2 décembre 1980, Romain Gary se suicide d’une balle dans la bouche. Ses cendres seront dispersées, selon sa volonté, en mer Méditerranée, au large de Menton.
Entretien avec Jacques Gobert, consul honoraire de Lituanie à Marseille :
LVEV : Les connexions entre Romain Gary et le sud de la France sont évidentes ; comment s’est fait la connexion avec Sanary ?
J. G. : C’est un peu le hasard. J’ai eu l’occasion d’échanger sur le sujet avec le cabinet du maire et le responsable du Jardin des Oliviers, qui se sont montrés très enthousiastes pour accueillir cette discussion autour de Romain Gary. Il y a eu d’autre part de nombreux écrivains et intellectuels exilés à Sanary, entre 1930 et 1945. Comme Thomas Mann, juif allemand lauréat du prix Nobel de littérature, dont un musée retrace la vie et l’œuvre à Nida, en Lituanie.
LVEV : En quoi l’œuvre et le tempérament de Romain Gary sont toujours d’actualité aujourd’hui ?
J. G. : Que ce soit dans Education européenne ou dans Tulipe, énormément de personnages de Romain Gary parlent d’Europe. En tant que diplomate, il a soutenu, dès 1945, que les Russes allaient dominer l’Europe et qu’il ne faudrait pas compter sur les Américains, qu’il ne fallait pas surestimer la volonté de ces derniers à vouloir protéger l’Europe. Ce qui se passe aujourd’hui correspond à ces prémonitions avec d’un côté une Russie expansionniste, qui viole chaque jour l’espace aérien européen, et de l’autre un Trump indécis qui s’est retiré de l’OTAN.
LVEV :Pourquoi est-ce important de cultiver les liens entre européens ?
J. G. : On voit bien dans ce contexte que l’Europe est face à elle-même. Et elle n’arrivera à se défendre que s’il elle reste soudée. Que si elle apprend aussi à connaître les peuples qui la composent. Des peuples qui bien souvent ont des réalités bien différentes. Aujourd’hui, le peuple lituanien, des gens comme vous et moi, s’arme et se prépare à devoir affronter une possible invasion russe. C’est pourquoi l’entraide et la fraternité entre les peuples européens est, aujourd’hui plus que jamais, indispensable.
Discussion « Romain GARY : un Lituanien en France, au Sud : « Une vision européenne », à 14h au Jardin des Oliviers (665 chemin de sainte Trinide), à Sanary. À cette occasion, un chêne, symbole de mémoire et d’amitié entre les peuples français et lituanien sera planté, accompagné de mots de bienvenue de S.E. M. Arnoldas Pranckevičius, ambassadeur de Lituanie en France, et de M. Daniel Alsters, maire de Sanary-sur-Mer. Une plaque commémorative sera apposée au pied de l’arbre.
