Échange avec Jean-Marc Bonifay, président d’Autisme Paca, dans le cadre d’une journée consacrée à l’autisme, lundi 16 octobre, au Six n’Etoiles. Un congrès placé sous le haut patronage de Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées.
Propos recueillis par Julien Talani
Le Var et Vous : A quand remonte votre engagement en faveur de l’autisme ?
Jean-Marc Bonifay : A 2008, une époque où les autistes étaient peu scolarisés et plus ou moins forcés d’aller en hôpital psychiatrique de jour plutôt qu’en milieu scolaire.
LVEV : C’est l’un des sujets abordés lors de ce congrès, où en est la recherche sur l’autisme ?
J-M. B. : Il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement spécifique à l’autisme. Aucun traitement ne permet non plus d’améliorer les troubles du comportement et les altérations des interactions sociales qui y sont associées. Les personnes peuvent toutefois avoir recours à des traitements pour d’éventuelles comorbidités comme les troubles du sommeil ou l’épilepsie. Dans les laboratoires de recherche, les efforts se poursuivent, non seulement pour identifier de nouvelles options thérapeutiques mais aussi pour améliorer le repérage précoce des troubles du syndrome autistique (TSA) et leur prise en charge psychosociale tout au long de la vie.
LVEV : Combien de personnes sont concernées en France et quels sont les progrès en France et en région ?
J-M. B. : 700 000 personnes sont concernées en France. Le diagnostic des enfants de moins de 6 ans est enfin bien pris en compte notamment grâce à la création de plate-formes de coordination et d’orientation (PCO). Cela permet de mieux repérer ces troubles et de proposer aux familles, dès les premiers signes d’alerte, une prise en charge immédiate globale et adaptée et de limiter ainsi les situations de surhandicap. Dans le Var, c’est l’UGECAM PACA-Corse qui gère la PCO TSA-TND (trouble du neurodéveloppement).
Grâce à l’équipe du Dr Emmanuel Damville du Centre Hospitalier Henri Guérin (Pierrefeu), le diagnostic des adultes autistes dans le Var est enfin possible. Un service mobile d’évaluation/diagnostic est également à disposition des établissements médico-sociaux du var pour assurer ces diagnostics adultes.
LVEV : L’étranger a-t-il toujours un coup d’avance ?
J-M. B. : Oui, différents pays ont toujours eu de l’avance dans le domaine de la prise en charge de l’autisme, notamment les pays anglo-saxons et scandinaves. L’Angleterre s’est par exemple dotée d’une loi spécifique sur l’encouragement et la protection des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme (TSA).
LVEV : Quels lieux ressources lorsqu’un diagnostic de trouble du spectre autistique est posé ?
J-M. B. : Légalement, les enfants devraient pouvoir être scolarisés. On se heurte encore, selon les départements, à des réticences, notamment dues à « l’invisibilité » du handicap, notamment pour les enfants autistes sans déficience avec un trouble hyperactif associé, que l’on met vite sur le compte d’une soi-disant mauvaise éducation, en accusant la mère, encore aujourd’hui, et pire quand la maman elle-aussi est autiste… Le département des Alpes-Maritimes est très avancé en la matière. L’inspecteur des de l’ASH06 (Adaptation scolaire et Scolarisation des élèves en Situation de Handicap) fait d’ailleurs appel à Autisme Paca pour son cursus de formation.
LVEV : Dites-nous en plus sur le congrès de lundi dernier ?
J-M.B. : C’était un congrès national sur la recherche et l’autisme. Il s’est déroulé en présence de la déléguée interministérielle autisme et TND par intérim, Mme Mylène Girard. Nous avions d’abord réservé la salle de spectacle du Casino Joa mais celle-ci traversait des problèmes techniques. J’ai alors contacté Noémie Dumas, la directrice du Six n’Etoiles, pour louer une salle. Son accueil a été très chaleureux et je l’en remercie. Les 220 places disponibles ont rapidement été attribuées puisque nous avons été contraints de réduire la jauge de moitié. Il y a eu de nombreux intervenants de qualité comme le docteur Isabelle Amado, membre du Centre Ressource National en remédiation cognitive et réhabilitation Psychosociale C3RP. François Feron, professeur à la faculté de médecine d’Aix-Marseille. Cyril Desjeux, sociologue et directeur scientifique de Handéo. Le professeur Caroline Demily, cheffe du pôle HU-ADIS du Centre Hospitalier le Vinatier (Lyon) et coordinatrice du Centre d’Excellence iMIND. Laurent Fasano, directeur de recherche au CNRS, et à l’Institut de Biologie du Développement de Marseille. Le docteur Emmanuel Damville, psychiatre hospitalier et docteur en psychologie, responsable du service Autisme Adultes SATORI du centre hospitalier de Pierrefeu-du-Var. Et le docteur Alice Vinçon-Leite, psychiatre hospitalier et docteur neurosciences toujours au centre hospitalier de Pierrefeu.
LVEV : Et maintenant ? Le combat continue ?
J-M.B. : Oui. Nous restons mobilisés. Par exemple, l’article 53 du projet Loi de Finances 2024, qui devrait être débattu le 24 octobre prochain est préoccupant. Il prévoit par exemple de confier à l’Éducation Nationale l’évaluation des besoins particuliers des élèves en situation de handicap, ce qui risque de compromettre l’impartialité des évaluations précédemment effectuées par la MDPH. La loi de 2005 a amélioré la reconnaissance et la compensation du handicap en donnant aux MDPH la mission d’évaluer les besoins individuels des enfants et en introduisant le PPS. Cependant, l’article 53 menace de revenir sur ces avancées en privilégiant les considérations budgétaires plutôt que les droits fondamentaux des personnes handicapées.