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Les impacts de la fermeture des chantiers navals de la Seyne vu par une étudiante anglaise

A travers sa dissertation écrite pour son évaluation universitaire, Sophia Choudhury offre aux lecteurs une perception de l'histoire locale, qui continue à toucher la population actuelle. ©Anna Tozer

Sophia Choudhury est une étudiante anglaise de l'Université de Bristol. Actuellement assistante enseignante dans une école de La Seyne-sur-Mer, elle nous livre une analyse sur l’impact de la fermeture des chantiers navals, l'Opération Dragoon et le sabordage de la flotte française. Une dissertation réalisée pour son évaluation universitaire.

En ce qui concerne l’identité de la métropole Toulon Provence Méditerranée, dans quelle mesure la fermeture des chantiers navals de La Seyne-sur-Mer a-t-elle été l’événement le plus marquant du XXème siècle ?

Comme une région littorale et maritime, la métropole Toulon Provence Méditerranée profitait bien des chantiers navals de La Seyne-sur-Mer, entre leurs premiers jours en 1711 et leur fermeture en 1987. Pourtant, elle a vu aussi des événements signifiants, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. L’un des incidents est le sabordage de la flotte à Toulon (27 novembre 1942), qui a détruit la plupart de la puissance de la Marine française, et un autre est l’Opération Dragoon (15 août – 14 septembre 1944), une mission qui a engendré la libération de la France. Cependant, en considérant les impacts sur l’identité sociale et culturelle, l’identité économique et l’identité politique, à court terme et à long-terme, il est possible de trouver que la fermeture des chantiers était l’événement le plus marquant du XXe siècle.

Les effets sur l’identité économique : le chômage frappe directement les ouvriers…

D’abord, dans le domaine de l’identité économique, par exemple le secteur primaire et la richesse de la région, il semble que la fermeture des chantiers ait été le plus marquant pour plusieurs raisons. La perte d’une entreprise, qui fournissait 4 191 emplois (23,2 % de l’emploi de la ville) et le revenu qu’ils généraient, a eu les répercussions répandues (Dias 2000, 2). La première vague de licenciements se déroule entre septembre 1984 et juin 1986, supprimant 2 000 emplois seulement à La Seyne-sur-Mer (Dias 2000, 3). Le taux de chômage augmente à 30 % pendant les années 90, et la perte du capital touche toute l’économie locale des chantiers du Nord et de la Méditerranée (NORMED), une région déjà enflammée par des impacts des chocs pétroliers de 1973 et 1979. Directement, il affecte les ouvriers, mais avec moins de revenu disponible, les impacts commencent à frapper aussi les marchés et magasins, les tabacs et les familles, écrasant l’économie pour les années qui viennent.

… Mais de nouvelles opportunités se créent

Cela étant dit, la fermeture a offert l’opportunité pour la ville et la région de réhabiliter un endroit industriel en une destination touristique. De nos jours, là, où s’étalaient les chantiers se trouvent maintenant le grand Parc de la Navale, un espace vert pour les habitants et touristes créé en 2004, avec un hôtel de la chaîne Mercure depuis 2010, et un casino géré par l’entreprise JOA à côté du terminal de croisière. L’hôtel et le casino offrent une nouvelle source de revenu et une nouvelle identité touristique à La Seyne-sur-Mer. En plus, les chantiers de l’entreprise Monaco Marine réussissent à maintenir l’expertise navale de la région, néanmoins leur priorité est les super yachts, au lieu des navires militaires. Cependant, il y a toujours les problèmes récurrents notamment avec la conversion de l’ancien atelier mécanique en un centre de loisirs et commerce, qui inclurait un cinéma. Décrit comme ‘un très, très long feuilleton’ (varmatin.com 2020), on peut voir les frustrations des résidents concernant l’évolution de leur ville. Donc, évidemment, la fermeture a provoqué les profonds changements et a modifié l’identité économique de la région, avec l’aide de la ville qui essaie de diriger son futur.

On passe maintenant aux effets économiques qui ont suivi l’Opération Dragoon et le sabordage de la flotte

Commence alors le besoin de remplacer les bateaux et les armes qui étaient perdus, mais aussi de réparer l’environnement physique dévasté par la guerre. Le film montré au Musée de débarquement à Toulon explique que « 20 tonnes de bombes par kilomètre de plage » étaient lancées pendant seulement une heure au début de l’Opération (Billois, 2017). Il continue de décrire l’état du port de Toulon, disant qu’il « n’est plus qu’un champ de ruines ». Pour une ville que se voyait comme une des grandes fiertés de la Marine Nationale, la destruction est désastreuse et tient un impact sur l’économie, l’infrastructure et la politique (Mission départementale d’Action culturelle 1994, 23). Cette dévastation était dans l’ombre du sabordage qui s’est passé dans les deux années précédentes et qui a détruit 77 navires et la prise de 39 petits navires par les Allemands. La France n’a plus eu une Marine et elle a dû commencer à reconstruire ses navires à partir de rien, ce qui coûtait beaucoup, particulièrement dans un temps de guerre. Les événements, certainement, entravaient le progrès économique de Toulon et les environs.

Les impacts sur l’identité sociale, y compris l’identité physique

Par rapport à l’identité sociale, comme la population et la culture, on peut déclarer que les événements pendant la Seconde Guerre mondiale avaient plus des impacts positifs que négatifs, mais comme l’économie, la fermeture des chantiers était plus signifiante. La fermeture représentait la perte d’une fierté locale qui avait mis La Seyne-sur-Mer sur la carte globale, et il semble que les effets aient continué vraiment à se manifester parmi la population pour longtemps. Dans leur livre au sujet de l’histoire de La Seyne, Chambat et Thomas affirment que les ouvriers étaient « surtout fiers du travail accompli » (Chambat 2012, 105) et ils ont signalé la façon dont « le lancement d’un navire attirait les foules » de tous, même l’évêque de Toulon, parce que tout le monde voulait faire partie du spectacle et de la réalisation (Chambat 2012, 121). Ce rassemblement est bien souligné par Patrick Martinenq quand il a dit « À l’époque des chantiers naval, tout le monde était de la même famille, tout le monde vivait autour des chantiers soit directement, soit indirectement » (Martinenq 2013, 31). La fermeture a marqué la fin d’une identité familiale et d’une fierté partagée. Cette idée est fortement renforcée dans les témoignages des chantiers et les opinions de la fermeture recueillis par l’enquête réalisée par Yolande Le Gallo. Par exemple, l’un des témoins a décrit la beauté de sa vie qu’il voyait aux chantiers, entouré par « une bonne mentalité… Une solidarité… Et de la camaraderie » parmi ses amis et sa famille au lieu de travail (Le Gallo 2002, 43). Donc le trou qui reste après la fermeture et des blessures sociales et psychologiques qui affectent toute la société ont sûrement modifié l’identité sociale de la région.

L’identité physique de La Seyne a changé aussi

La fin des bruits et des mouvements des ateliers et des grandes grues ont bien sûr étaient des changements qui ont affecté les gens. En effet, le martèlement dans les ateliers était entendu par Michèle Chabour chez elle à Rue Victor Hugo, et elle a décrit l’impact des changements pour elle, disant « J’ai commencé à avoir des insomnies quand le bruit a cessé parce que ce bruit, quelque part, il m’apportait une sécurité. Quand je l’entendais, ils étaient là, il y avait de la vie, il y avait du boulot, il y avait quelque chose. Le jour où ça s’est arrêté, c’est ce silence qui me dérangeait ». Évidemment, l’ambiance de la ville a changé complètement. Également, l’apparence de la ville a été transformée ; l’un des témoins cités par Le Gallo a déclaré qu’il « n’habite plus La Seyne, sans regret, la vue du chantier rasé, reste une plaie ouverte pour la ville et pour moi-même » (Le Gallo, 2002). L’identité physique est l’un des premiers aspects notés par les visiteurs d’une ville ou région et la fermeture a forcé la ville à réinventer la façon qu’elle a à se présenter.

Les impacts sur l’identité sociale du sabordage de la flotte incluent la façon dont il a semé la discorde entre ceux qui pensaient qu’il était humiliant, et les autres qui pensaient qu’il était un acte de défi par les Français contre les Allemands.

Le groupe de l’opinion négative croyait qu’il était dégradant pour les Français de se trouver dans cette position, forcés de ruiner les navires importants et puissants comme le Strasbourg, l’orgueil de la Marine française’ (Antier 1991, 60). En plus, quelques navires, comme le Strasbourg, L’Indomptable et Le Bordelais étaient construits dans les chantiers navals de La Seyne (CRCN, 2018). Donc quand les nouvelles sont arrivées à La Seyne que ces navires, parmi des autres, étaient coulés ou chavirés (Secardin 2013), l’identité de la ville qui vénérait son accomplissement industriel souffrait. Cependant, le groupe négatif semble d’être la minorité, car la plupart des gens voyaient la situation comme difficile et la décision de saborder comme nécessaire et appropriée pour protéger l’honneur français plus vaste. Louis Guichard suggère que « le code de justice maritime impose le sabordage à tout commandant dont le navire va être capturé par l’ennemi » (Guichard 1955, 146) mais vraiment, il semble que la fierté d’être français et de défendre l’honneur furent plus puissants parmi les gens. Il était décidé de « ne [laisser] rien aux Allemands » (Antier 1991, 63) et l’amiral Paul Marzin décrit l’ambiance de « la foule consciente d’assister à un événement qui ranimait en elle le sentiment national, entonnait de vibrantes Marseillaises » (Marzin 2013, 178-79). Donc le sabordage a eu un impact sur l’identité sociale parce que, bien qu’il ait divisé une minorité de la population au début, les Français de la région réussissaient à trouver une unité avec les Français d’ailleurs, créant une identité locale et nationale qui reste de nos jours.

Les plus marquants impacts sociaux de l’Opération Dragoon sont associés aux soldats américains, qui ont apporté leur mode de vie aux Français, et aussi avec la façon dont la France pourrait participer dans sa libération, grâce au succès de l’Opération.

L’impact américain était un effet indirect de l’Opération, mais il touche tout le monde. Le Musée du débarquement résume les conséquences clairement, observant que ‘La présence des soldats américains permet aux Provençaux de découvrir l’American Way of Life (le style de vie américain) à travers la musique (le jazz, le swing)’, le cinéma, « et certaines habitudes alimentaires (le coca-cola, le chewing-gum…) » (Mémorial du débarquement n.d.) et il n’est pas surprenant que ces contributions au mode de vie, en outre des autres, persistent aujourd’hui. J’ai vu la continuation de cet effet pendant mon temps enseignant dans une école dans La Seyne, parce qu’on a parlé d’une grande variété des chansons et de films d’origines américaines, notamment le jazz. Les États-Unis ont eu des impacts positifs pour l’économie et la société qui continuaient après la guerre parce que, grâce au succès de l’Opération, les liens des commerces étaient établis entre Marseille et l’Amérique, permettant « 600 000 tonnes de blé et de céréales, 650 000 tonnes de houille, 400 000 tonnes d’hydrocarbures, café, vin, viande, coton » d’être importé en 1945 pour « répondre en partie aux pénuries alimentaires qui frappent la région et participent à la relance de l’économie » (Mémorial du débarquement, pas daté). Globalement, l’Opération Dragoon a affecté l’identité socialement grâce à des contributions américaines liées à la vie quotidienne, à la nourriture et à la culture musicale et cinématique.

De plus, les actions de la Résistance et les soldats français dans la lutte aidaient à forger une identité sociale

Les efforts des individus pouvaient avoir un impact sur le résultat final. Les Forces françaises de l’intérieur (FFI) créaient des problèmes aux Allemands, en aidant avec la collecte et la transmission des informations cruciaux. Par exemple, ils fournissaient des informations à propos de l’emplacement des forces ennemis, contribuaient au planning avec leur connaissance de la région et guidaient les atterrissages et débarquements. L’entrain des résistants confortait leur identité française et leur volonté de la protéger, et le sens de patriotisme et fierté nationale étaient augmenté suivant la récupération des villes comme Toulon et Marseille. Malheureusement, les victoires avaient un coût et pour ceux qui ont perdu des proches et ceux qui ont connu les expériences déchirantes, leurs identités individuelles ont été altérées. La région, et la France, restent touchées par les expériences de la Seconde Guerre mondiale, même hantées par les atrocités. Les monuments aux morts prennent leurs positions signifiantes au centre-ville, devant les Hôtels de Ville, comme un souvenir des événements qui ont façonné les régions et le pays aujourd’hui.

Les effets sur l’identité politique

À l’inverse, la fermeture des chantiers n’a pas eu les impacts politiques directement, mais les échecs pour rajeunir le quartier avaient divisé les opinions des habitants. Après les premiers essais d’Alain Madelin (Dias 2000, 4), les plans continuaient à échouer, notamment le schéma de RENAVAL et le complexe cinématographique susmentionné, ce qui laisse un grand espace vide au milieu du centre-ville. Brigitte Challiol souligne les pénuries sous plusieurs maires de La Seyne, de différents partis, impliquant que la population locale subit des difficultés financières (Challiol, 2001). Les fautes du gouvernement de la commune provoquent les manifestations, et Le Gallo a trouvé que 82 % de ces témoins ont participé au moins à une manifestation (Le Gallo 2002, 8). Certains ajoutaient leurs pensées spécifiques, disant qu’ils ont « une grande haine envers les politiques » ou que les hommes politiques « ont menti » (Le Gallo 2002, 11). Si la population ne peut pas se rapporter au gouvernement, un sentiment de frustration peut croître et diviser la population seynoise et son identité politique.

Au début, le sabordage de la flotte avait le même impact que la fermeture des chantiers, divisant la population à propos des décisions, mais concernant le sabordage, un peu plus tard l’événement aidait à réunir le public et les soldats.

Charles de Gaulle essayait d’inciter un sens de communauté française contre les Allemands, annonçant dans un discours que « le réflexe national a joué dans les âmes des équipages et des états-majors » (de Gaulle, 1942) qui ont pris les choses en main pendant le petit matin du 27 novembre 1942. On peut voir ce sentiment encore une fois à la suite d’Opération Dragoon qui était marquant politiquement parce qu’il a permis aux Français de participer dans la libération de la France. Même s’il était un effort allié, de nombreux régiments de l’Opération étaient français, et leurs tentatives aidèrent à redonner un sentiment de patriotisme aux peuples. En particulier, les Français étaient essentiels dans la reprise de Toulon et Marseille, et la formation du Front Ouest qui a suivi, et il n’est pas surprenant que la reprise des villes ait amélioré le moral général. En plus, l’Opération prolongeait l’augmentation du moral par qu’il a provoqué la retraite des Allemands dans et dehors de la région, réduisant la destruction et la souffrance des Français (Beevor 2012, 612).

Pour conclure, utilisant toute l’information disponible, on peut déduire que la fermeture des chantiers navals de La Seyne-sur-Mer a été l’événement le plus marquant en ce qui concerne l’identité de la région.

Certes, les trois incidents ont eu un impact signifiant dans le domaine social, suivi par l’économie et finalement par la sphère politique. On peut constater cet ordre parce que les impacts sociaux sont perçus de nos jours plus que les impacts économiques, encore plus que les effets politiques. La manière dont les impacts touchent la population locale aujourd’hui est bien résumée par la déclaration de De Robertis et al, qui écrivent : « l’histoire éclaire le présent et peut aussi l’inspirer. Mais l’histoire fait aussi partie du présent car celui-ci la prolonge et y puise ses racines » (De Robertis 2019, 45). Ayant vu moi-même les écarts physiques et psychologiques causés par la fermeture des chantiers, il serait impossible pour moi de dire avec véracité que l’un des autres événements a eu un plus notable impact sur le long-terme. Donc, la fermeture des chantiers a été le plus marquant événement.

Ecrit par Sophia Choudhury, dont la langue maternelle n’est pas le français !
©Anna Tozer

Remerciements
Je voudrais remercier Léa Surrel, du Département des Collections au Musée National de la Marine, et Benoit Guidicelli, du Mémorial du débarquement et de la libération de la France pour leur assistance dans ma recherche. Étant donné le confinement, je suis très reconnaissante pour leur aide pour accéder aux ressources des musées.
Je voudrais aussi remercier Françoise Lantes, ma collègue, pour son assistance linguistique, et ma superviseur à l’Université de Bristol, Albertine Fox, pour son accompagnement en ce qui concerne le planning de cette dissertation.

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